Arles: La cour de l'hôpital par Vincent. Van Gogh ne signait que de son prénom, celui d'un frère mort. On lui a donné ce prénom pour faire revivre celui qui n'a pas vécu.

D’évidence Vincent Van Gogh (1853-1890) voulait surtout faire un bon portrait de ceux qui posaient pour lui plutôt qu’un bon Van Gogh. Si l’homme « à la tignasse rousse » réalisa de nombreux autoportraits c’est plus parce qu’il ne trouva pas toujours des personnes disposées à lui donner du temps que par excès de narcissisme. Le peintre était si peu prétentieux qu’il ne signait pas ses tableaux ou alors d’un discret Vincent, prénom qui était aussi celui de son frère mort-né un an avant lui. Celui dont la gloire est posthume fut un traîne-misère bien sûr reconnu par ses pairs, les autres génies picturaux de son époque. Aujourd’hui, ses tableaux atteignent des prix astronomiques : Le portrait du Docteur Gachet peint en 1890 a atteint 148, 6 millions de dollars un siècle plus tard. Certains de ses chefs-d’œuvre sont reproduits sur des chaussettes… Telle une détective privée, Bernadette Murphy (L’oreille de Van Gogh 2017) s’intéresse aux modèles « arlésiens », entre février 1888 et mai 1889, qu’elle radioscopie dans Le café de Van Gogh, enquête émaillée d’illustrations. Van Gogh écrivit à Théo, négociant d’art, soutien financier pas très futé pour vendre les tableaux de son frère, le 10 juin 1890 : « Un jour ou un autre, je crois que je trouverai le moyen de faire une exposition à moi dans un café ». Il pensait alors à l’Auberge Ravoux, à Auvers-sur-Oise. Hélas ! l’écorché-vif rendit son dernier souffle un mois plus tard, suite à un tir de révolver. Le suicide est la thèse retenue bien que d’aucuns évoquent un possible accident voire un meurtre, deux hypothèses farfelues.
Outre, le « postier » Joseph Roulin et sa famille, l’historienne approfondit l’identité du Jeune homme à la casquette, de L’Arlésienne, de La Mousmé, sans oublier le couple de cafetiers, les Ginoux. Elle revient sur la dispute avec Paul Gauguin et restitue les « épisodes de crises entrecoupés de phases de lucidité ». Quand on le traitait d’aliéné, Van Gogh confiait exercer le « métier de fou » dans sa quête d’absolu. L’ancien prédicateur laïc cherchait à capter l’âme des gens « simples » qui lui faisaient face. Le soir, les passants riaient devant cet original qui peignait sur le motif, avec des bougies allumées sur son chapeau. Le météore créa 2000 œuvres, à partir de ses vingt-sept ans. En une décennie il a révolutionné la peinture, par un céleste mouvement de la vie pour atteindre un lyrisme du réel à travers le prisme de la couleur. Le soleil du Midi fut le projecteur du voyeur d’ombres.
-Le café de Van Gogh, Bernadette Murphy. Traduit de l’anglais par Marie Chabin. Actes Sud, 397 p., 25 €
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