Hanif Kureishi, "Fracassé" ou la littérature en apesanteur
- bernardmorlino
- 6 avr.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 avr.
Lisez ce livre au lieu de vous laissez berner par la promotion des non-livres qui sont mis en avant comme ceux des animateurs radios ou TV qui s'autopromotionnent dans le service public sans une once d'éthique.

Ce n’est pas parce qu’il s’est « transformé en légume » que Hanif Kureishi renonce à vivre comme tout le monde. Victime d’un AVC, à Rome, le lendemain de Noël 2022, le romancier-dramaturge a renoué avec l’écriture par l’intermédiaire de ses proches, notamment ses enfants, qui écrivent sous sa dictée. « Je suis fier de dépendre de celles et ceux qui m’aiment ». Les fragments- qu’il appelle « dépêches »- de Fracassé sont à la fois d’une tension extrême et d’un humour décapant. Célèbre au Royaume-Uni depuis son premier roman (Le Bouddha de banlieue, 1990), l’Anglais de mère pakistanaise s’est fait aussi connaître par le scénario du film My beautiful Laundrette (1985), de Stephen Frears. Toujours enclin à s’exprimer avec vérité, il reconnait que l’avantage d’être alité en permanence « c’est que l’on n’a besoin d’aller nulle part pour pisser et pour chier ». Sans préjugé, tout est sur le même plan : drogue, sexe plus tout le reste. Si Hanif Kureishi a perdu l’usage de ses mains, son esprit voyage toujours sur les hautes sphères de l’intelligence. Désormais tétraplégique, il réfléchit à sa condition d’écrivain. Valide, il passait le plus clair de son temps, assis, penché sur son manuscrit. Paralysé, il agit de même, mais cette fois sans la joie de se dégourdir les jambes. Loin de s’enliser dans la dépression, il poursuit son œuvre sans faire une thérapie publique. L’écrivain jongle avec ses différents états d’âme comme Maradona avec un ballon. Parfois quand sa femme lui lave les dents, ça se complique : « c’est la goutte d’eau… » qui fait déborder la friction passagère. Il reconnaît que privé de son indépendance physique, il a gagné en imagination. Dans sa nouvelle situation d’infirme, il confie avoir l’impression que son « cœur est comme un oiseau qui chante ». Son onirisme est accentué par le fait de ne pas savoir « quel jour on est, ni même quel mois ». Kurieshi nous confie que son ambition est de se gratter le nez tout seul. On devrait pleurer. On rit. Son but est de ne pas « mourir de l’intérieur ». Fracassé est une antidote à la mauvaise humeur. Une littérature en lévitation.
Fracassé, Hanif Kureishi. Traduit de l’anglais par Florence Cabaret. Christian Bourgois éditeur, 307 p., 23 €..
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