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Joséphine Baker/ B. Bouillon-Baker/ Belmondo/ Pascuito & Brassens/ Maryline Martin et J.-C. Lamy


Vous regardez et vous comparez avec la "com." actuelle de toutes les fausses gloires qui ne sont que des produits commerciaux inaudibles, toujours plus stupides parce que faux. Brassens c'est la catharsis du PAF. C'est le karcher contre la connerie.


Cela fait des années que je chronique sur Joséphine Baker, souhaitant le Panthéon. C'est fait. Je l'ai rencontrée une seule fois, dans les coulisses de Bobino, quelques jours avant sa mort. J'avais 22 ans. Sa grande classe m'a sauté aux yeux. Une silhouette renversante. Robe serrée, jambes magnifiques. Grosse lunette. De la tête au pieds, impressionnante. Quelle présence ! Elle resta debout. Et sa voix... Sublime, magnifique. Un pays, un continent à elle seule. Certitude d'être devant un monument vivant. Et à l'époque je ne savais pas son passé de résistante. Si je l'ai rencontrée c'est grâce à Jean-Claude Brialy qui lui avait demandé de recevoir Pascal Sevran (paroles) et Pascal Auriat (musique) qui voulaient lui proposer des chansons car ils venaient de connaître le succès avec Il venait d'avoir dix-huit ans, rendu historique par Dalida, chez qui j'habitais car elle me louait un studio, là où vécu Louis-Ferdinand Céline. Tout cela à l'air faux mais tout est vrai de vrai. Nous étions en 1975. Les paroles de la chanson pour Dalida sont aussi de Simone Lavigne, très grand talent. Sevran et Auriat n'ont pas pu poursuivre avec Joséphine Baker parce qu'elle est morte. L'un de ses fils, lui rend un très bel hommage, bourré d'informations, de révélations plus qu'émouvantes. A lire si vous aimez cette dame. Comment ne pas l'aimer ? En plus cela fait du bien car elle a trouvé en France un pays non raciste. Elle pouvait se promener dans la rue sans qu'on l'embête, à l'inverse de ce qui se passait aux Etats-Unis. La France n'était pas parfaite mais c'était mieux qu'outre Atlantique. Arrivée, à Paris, elle va vite s'imposer comme une star de la nuit avec la célébrissime Revue Nègre. Brian Bouillon-Baker à l'honnêteté et la culture pour rappeler que Philippe Soupault fut le seul à traiter les "artistes noirs" comme des artistes et non pas comme des artistes noirs ! Le poète signala que beaucoup trop de blancs instrumentalisaient la beauté noire pour satisfaire des fantasmes. Soupault a écrit Le Nègre qui fit grand bruit et aussi Horace Pirouelle, avec des héros noirs et Histoire d'un Blanc pour se désigner blanc comme on dit noir. Tout a fait fantastique mais personne n'en parle car Soupault était ami avec moi et non pas avec une clique de disciplines, comme André Breton et Louis Aragon. Soupault préférait l'amitié à la renommée qu'il vomissait même s'il était célèbre depuis 1920. J'ai toujours pensé que l'amitié de Soupault me dispensait de tous les titres de gloire. Son amitié est un Ballon d'Or de la littérature. Un Nobel perpétuel. Je peux témoigner d'avoir partagé le quotidien avec un poète majeur. Je peux vous dire que quand il entrait dans une pièce, on sentait un souffle arriver. Une force vitale inouïe alors qu'il avait plus de 80 ans. Une onde de choc me traversait le corps et l'esprit. Il était là la cofondateur du surréalisme! Un géant du XXe siècle. Il faudrait un livre pour raconter tout. Je déteste perdre mon temps. Autant frapper aux bonnes portes. Lisez le livre sur Joséphine Baker, pour retrouver un être humain de grand calibre.

Les artistes meurent mais ils nous laissent ce qu’ils ont fait. Un acteur n’est pas moins un créateur qu’un metteur en scène ou un écrivain. Ses rôles forment son œuvre. Même s’il n’est qu’un interprète, il incarne le personnage avec plus ou moins de bonheur. Justement en ce qui concerne Belmondo, on peut parler de bonheur permanent. Il est né heureux et ses parents ont su ne pas casser sa personnalité car ils étaient eux-mêmes artistes non autodestructeurs. Toute son enfance, Belmondo a vu son père sculpter. Bernard Pascuito fait office de biographe, articulant son récit sur ce jour néfaste de l’AVC. En plein été 2001, une caméra a filmé de loin, la force de la nature sur un brancard. On ne voyait rien mais on savait que c’était lui, le Magnifique, l’As des As, abattu en plein vol par la maladie. Ainsi commença son combat pour revivre. Un combat gagné à la force de sa volonté. Boxeur amateur, il savait qu’on pouvait se relever. Il aimait la boxe pour ce qu’elle était, le noble art. Au-dessus de la boxe, il n’y a rien. Il renonça à la boxe parce qu’il n’aimait pas donner des coups et en recevoir. Quel paradoxe ! Il aimait la boxe pour le dépassement de soi, ce qu’il a pu accomplir dans les cascades. Il disait enfiler une soutane pour jouer un prêtre, rien n’est plus facile. Par contre, rester en équilibre au-dessus d’une rame de métro, c’est plus difficile. Belmondo a toujours été méprisé par l’intelligentsia. Et avoir tourné sous la direction d’Alain Resnais n’a rien arrangé, au contraire. Les films de Verneuil n’ont jamais eu une palme à Cannes. Une vraie honte ! Jean-Luc Godard aime dire : « Les gens me connaissent et ne voient pas mes films, en revanche tout le monde voit les films de Lautner mais personne ne le connait… » Voilà des paroles pleines de lucidité. La même que l’on retrouve chez Bernard Pascuito qui admire intelligemment. Belmondo, Delon, Gabin et Ventura sont des membres de notre famille. Piccoli, Serrault et Noiret ne sont pas parvenus à y entrer. Bourvil et Fernandel eux sont déjà beaucoup trop oubliés. De Funès se maintient à flots car il bénéficie d’un tapage médiatique constant parce que « ses » films font de l’audience. Au moment fort de la pandémie, il a fait rire la France. Il n’y a qu’un Belmondo par siècle. Belmondo aimait Pierre Brasseur, Noël Roquevert, Michel Simon. Les jeunes comédiens actuels feraient bien de les aimer aussi, cela les rendrait moins médiocres. Qui citer parmi la nouvelle génération ? A part, Jacques Gamblin, je ne vois personne. Rien que des produits médiatiques lancés par la télévision qui fait la pluie et le beau temps. Depuis les années 1990, les footballeurs attirent plus l'oeil que les comédiens. Et les mannequins ont pris le pas sur les actrices.

Au rayon célébration, on a beaucoup entendu parler de Georges Brassens. Pas besoin d’attendre des dates morbides d’anniversaires (centenaire de sa naissance, 40 ans après sa mort) pour penser à lui, et surtout écouter ses chansons. Il ne passe quasiment jamais en radio qui lui préfère les produits de consommations actuelles pour des raisons financières. A quoi cela sert d’écouter toutes les sornettes sur des ex-banlieusards devenu riches (tant mieux !) avec des paroles d’une faiblesse abyssales. Brassens ne chantait pas l’air du temps. Il n’était pas à la mode. Il faisait la mode. Tant d’imitateurs pour rien car il n’y a qu’un Brassens. On perd son temps à écouter de la nouveauté insignifiante. Mieux vaut écouter des anciennes chansons toujours audibles puisqu’elles sont authentiques, innovantes, violentes, douces, avec de la gravité et de l’humour. Pourquoi est-il mort à 60 ans ? Louis Nucéra m’a dit que son ami pensait souffrir une nouvelle fois de coliques néphrétiques alors qu’il avait un cancer carabiné ! Il était si habitué à la souffrance qu’il ne s’est pas plus alarmé que d’habitude. Des personnalités de ce calibre sont hors normes. Et c’est bien triste que la mort ait si bon goût. Elle devrait puiser plus souvent dans la catégorie faux humanistes : le rayon déborde. C’est à se demander si la méchanceté ne conserve pas plus que le formol. Jean-Claude Lamy nous livre son Brassens avec tous les temps forts qu’il décrypte. On retrouve aussi Jeanne et Püppchen, les deux amours du poète. Jeanne avait trente ans de plus que lui… Quel tempérament ! D’aucuns maintenaient qu’elle ne fut qu’une amie. Non, ce ne fut pas que platonique. Quand il était inconnu, Brassens ne se lamentait pas. Il vivait avec rien mais il vivait dans une richesse de sentiments comme toujours. Après-guerre, il rencontre Püppchen que Jeanne ne veut pas connaître. Sans le côté Voici, Maryline Martin met au grand jour les deux femmes qui ont le plus compté dans la vie de Brassens avec sa mère qui lui communiqua le goût pour la chanson.

Brassens touchera toujours ceux qui aiment la langue française. Ce n’est pas parce qu’il est mort que l’on doit momifier son œuvre. Il aurait écrit s’il avait vécu au XIIe siècle. Brassens est un poète qui a chanté et composé de la musique.


-Joséphine Baker, l'universelle, Brian Bouillon-Baker. Préface Gilles Trichard. Editions du Rocher, 230 p., 18, 90 €

-Belmondo, entre deux vies. Bernard Pascuito. Flammarion, 420 p., 19, 90 €

-Brassens, Jeanne et Joha. Maryline Martin. Editions du Rocher, 174 p., 16, 90 €

-Brassens, légende d’un poète, Jean-Claude Lamy. Le Rocher/ Poche, 124 p., 6,90 €


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