La Magnani, Delon, Ronet, Audiard, Polanski & Pasolini, en version livres.
- bernardmorlino
- 29 oct.
- 5 min de lecture
Madame Anna Magnani interviewée par l'épatant François Chalais. On est passé de la véritable artiste à des décérébrées narcissiques qui gagnent leur vie sur du néant spirituel.
Je pourrais parler politique mais à quoi bon ?
Vous constatez aussi bien que moi, les dégâts.
Un ex président en taule.
Et l'actuel ? Sa cote d'impopularité pulvérise tous les records.
Et que dire de l'autre zig qui veut taxer les plus riches.
Il a fait beaucoup d'études pour trouver ça ?
Mon grand-père paternel disait: si tu veux de l'argent, tu n'as qu'à travailler, sans compter les heures.
Au lieu de s'enliser avec les politiques qui sont de très mauvais acteurs, regardons les récentes publications sur d'authentiques acteurs.
La Magnani ! En voilà une qui n'avait pas besoin d'un metteur en seins !
Comédienne d'exception au caractère bien trempé. Ce n'est pas elle qui allait se plaindre parce qu'un producteur s'était aventuré à lui manquer de respect. La Magnani n'était pas du genre sexe faible. Elle n'a pas attendu le féminisme pour se faire sa place. Femme de tempérament, capable de tenir la dragée haute face à n'importe quel acteur qui faisait un peu trop le beau. Tous ses rôles étaient des constructions magnifiques. Elle crève l'écran, toujours, vivante ou morte, présente encore et encore. Une déesse du cinéma comme Bette Davis, Simone Signoret, Gena Rowlands et Meryl Streep. Pour Fellini, elle incarnait Rome. L'étoile Magnani brille toujours quand les pitoyables comédiennes françaises actuelles sont d'horripilantes poupées qui refusent de vieillir. Montaigne nous a dit que les âmes prenaient aussi des rides. Il n'y a qu'a voir !
-Le dernier été d'Anna Magnani, Bernadette Costa-Prades. Arléa, 115 p., 17 €
Delon est mort. Le cinéma de qualité avec lui. De son vivant, ce fut dur de le voir jouer César dans Astérix. Il n'avait pas besoin de ce rôle dans sa sublime filmographie. Le livre nous apprend essentiellement qu'il disait aux gens ce qui l'arrangeait. Pour éviter de blesser quelqu'un il pouvait mentir. On ne juge pas Delon puisqu'on ne le connaissait pas en privé. Nous ne sommes que des spectateurs. Merci pour ce qu'il nous a donné à voir. Le Samouraï, Le Cercle Rouge, Monsieur Klein, Plein Soleil, Le Professeur, Le Guépard, Le Clan des Siciliens... Qui peut se vanter d'avoir tourné dans de tels films ? Il était beau, intelligent, travailleur, il était de droite, gaulliste viscéral, de quoi être haï par les médiocres. Il a donné les consignes: enterrez-moi près de mes chiens, surtout sans discours de politiChiens ! Suivez mon regard...
-Les derniers jours du Samouraï, Laurence Pieau et François Vignolle. Robert Laffont, 335 p., 21 €
Ronet ? Une sorte de Delon qui n'inventa pas de marionnette médiatique. Superbe acteur ! Dans Le Feu follet, il sert Drieu La Rochelle de manière définitive. Un remake est impossible tant il est parfait. Dans ce rôle, revenu de tout il restitue le dégoût du commerce des hommes, un Alceste moderne qui n'a pas de Philinte à côté de lui. Il ne voit plus que le noir de l'existence. Il aime la vie mais pas celle qui passionne ses contemporains, et aussi ses devanciers et hélas! poursuivants. Ronet est acteur pour cinéphiles avertis et touchés par la grâce des comédiens. Pas pour un lecteur des gros titres de la presse, sur les grands boulevards. Pas élitiste. Pas pédant. Très simple, l'instinct du pur sang. Ame torturé car il voulait vivre sur une planète où la connerie serait absente.
-Maurice Ronet, le métier de comédien, entretiens avec Hervé Le Boterf, précédé par Les vies du Feu Follet, de Jean-Pierre Montal. Séguier, 360 p., 22 €
La France a parlé l'Audiard comme on parle l'anglais ou l'italien.
Une langue pleine de fantaisie. Qui fait mouche sur tout ce qui bouge.
Les tristes sirs le traitent de macho, de misogyne, de réac, de facho et j'en passe, il n'est en fait qu'un écrivain égaré dans le cinéma par excès de facilité littéraire. Il avait la grâce infuse.
Il décochait des aphorismes plein d'esprit qui n'ont rien à envier à Guitry ou Jules Renard. Il complexait vis-à-vis de Céline alors qu'il était l'équivalent dans la gaudriole. Au rendez-vous des écrivains, il a pris le cinéma de divertissement. Total, plus personne ne regarde les navets de Godard, et tout le monde regarde ceux de Lautner avec les dialogues d'Audiard. Mieux vaut rire que se torturer la tête avec des films abscons. En dehors de trois ou quatre oeuvres, Godard fait bâiller des bancs d'huitres.
-Michel Audiard, Philippe Durant. Nouveau Monde, 445 p., 24, 90 €
La première partie du livre restitue l’interview de Roman Polanski effectuée en 2006 par Catherine Bernstein, dans le cadre de la collection « Mémoires de la Shoah ». Le coeur de l’ouvrage est la publication inédite de la correspondance de Ryszard Polanski. A la demande de son fils, le père du cinéaste a raconté par écrit, en 1973 et 1975, son témoignage de la barbarie nazie. Polanski senior « pourrissait » dans le camp de concentration de Mauthausen (Autriche) où il fut libéré par les Américains au printemps 1945. Un témoignage important par un homme qui n'a jamais perdu son humour. Le livre est passé inaperçu parce que Roman Polanski est devenu un infréquentable. La milice des spectacles est encore passée par là, sans jamais balayer devant sa porte.
-Ne courez pas! Marchez !, Roman Polanski, suivi de Lettres à mon fils de Ryszard Polanski. Flammarion, 265 p., 23 €
Assassiné le 2 novembre 1975, Pier Paolo Pasolini reste un artiste majeur du XXe siècle, poète, cinéaste, fin connaisseur de football qu'il pratiquait régulièrement et même pendant les tournages. Les matchs permettaient aux techniciens et aux acteurs de s'affrontaient de manière salutaire, et donc de dialoguer dans l'adversité momentanée pour mieux se retrouver dans l'aventure cinématographique. Le crime reste non élucidée: est-ce une mauvaise rencontre dans l'univers masculin ? Est-ce une exécution homophobe ? Une élimination politique ? Son corps était atrocement tuméfié, un véritable acharnement. Deux livres à lire: celui de Roberto Carnero et celui de Laurent Lasne (Paolo Pasolini, le geste d'un rebelle, éditions Le Tiers Livre, 237 p., 10 €) qui s'attache à bien mettre en lumière la trilogie pasolinienne: littérature, éros et football. A noter que Pasolini n'était pas un intellectuel onaniste mais un merveilleux poète aux mots simples. On l'a tué parce qu'il était l'incarnation la liberté absolue, ennemi des crétins qui ont sans doute eu sa peau. Un vrai vivant.
-Pasolini, mourir pour des idées, Roberto Carnero, traduit de l'italien par Sabine Mille et Stefano Palombari, Le Cherche Midi, 466 p., 21 €



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