L'auteur de Mes amis a joué au football, capable de marquer 34 buts en une saison ! On vient de l'apprendre grâce à David Nahmias qui a déniché un entretien avec l'écrivain, paru dans L'Auto, le 15 novembre 1928. Pour mieux connaître Emmanuel Bove (1898-1945) consultez le site que lui consacre son biographe Jean-Luc Bitton. Dans l'article apparaît Philippe Soupault qui m'a dit dans les années 1980 : "J'aime mieux le rugby que le football parce qu'il y a de la bagarre !" Le poète voulait bâtir une équipe d'écrivains rugbymen mais il n'a pas trouvé assez de pratiquants.
Emmanuel Bove , Prix Figuière (50.000 francs), aimait le golf et le tennis, mais on ne savait pas qu'il aimait le football qu'il pratiquait comme attaquant, visiblement au poste d'inter droit, le poste des stratèges, le fameux N°10 de Kopa, Cruyff, Platini, Maradona, Cantona, Zidane et Messi. Il s'est confié sur le cours de tennis de Neuilly dans la section tennistique de la Plume, Palette Club. (1) Emmanuel Bove appartient à la sphère très fermée des écrivains qui ont refusé de publier sous l'Occupation allemande.
Eclectisme sportif
-Ah ! le sport..., j’avoue que je lui tournais le dos depuis quelques années. Bien à regret. Mais ma vie de journaliste et d’écrivain comportait de telles exigences ! Avec joie, grâce à Martin-Chauffier qui m’a fait connaître notre groupement, j’y reviens, je m’y re-vivifie. C’est le retour de l’enfant prodigue, car j’ai été élevé « là-dedans.
- Où avez-vous fait vos études ?
- Genève, puis le collège Saint-John, près de Londres. C’est vous dire... que mon «éducation physique» n’a pas été trop négligée. Athlétisme, cyclisme, gymnastique, aviron. Ah! la Tamise ! boxe, beaucoup, mais je tapais trop fort, je faisais mal.
-Comme Kessel !
-Et, durant mon adolescence, le sport qui m’a encore pris le plus, accaparé même...
- Le rugby ?
- Non, le football.
- Vous jouiez à quelle place ?
- Avant-centre droit. [Donc inter droit]
Et Martin-Chauffier, qui s’approche, [me] glisse : « L’un des meilleurs shooter de Saint-John et qui remporta une année la Coupe spéciale pour... 34 buts - cela compte ! - marqués au cours d’une seule saison. »
Un « match historique » !
Cependant, nous nous sommes mis en tenue. Balles, raquettes, on s’organise ! Bove et Martin-Chauffier reforment cette fameuse équipe du double qui a grappillé, cet été des succès en Bretagne. Pierre Bost, autre jeune gloire de nos lettres - et moi-même allons essayer de leur donner la réplique. Et moi de noter — pour leur discours de réception académique - les caractéristiques de leur jeu.
Louis Martin-Chauffier : Beau « service ». Un « drive » qui passe... quelquefois. Savants «déplacements » sur le cours. Une subtilité critique.
Pierre Bost: Un « service » rasant une longue balle _ pas très rapide mais pas facile à reprendre. Concision distinction.
Emmanuel Bove: Un jeu tout de finesse, ce qui surprend. On penserait plutôt, à le voir, à un jeu de force, à des « écrasements » par smashes, bien plu qu’à ces « revers » coupés, d’un félin mouvement du poignet, qu’il nous distille à la cadence de... quatre ou cinq à la minute. Sur quoi, je ne serais pas fâché que postérité enregistre notre victoire -à Bove et à moi - et par quel score : 7 à 5. (Mais nos adversaires, après tout, sont peut-être les hommes des « cinq sets » !)
Basket-ball ou rugby ?
Avec tout cela, mon cher Bove, quand vous verrons-nous — enfin — le dimanche matin, au « basket »?
- Bientôt, bientôt.
-Y a-t-il quelque chose qui vous arrête ?
-Rien, ou plutôt, si... Que je vous confesse ! Le « basket », je l’ai aussi pratiqué... Oui, c’est gentil !... Mais cela n’a pas cette « pureté » essentielle, cette sobriété technique du football ou rugby.
Nous discutons. Comme je défends le seul sport d’équipe que j’imagine permis encore à mon âge. Mais, il y a du vrai... Pas de « contact », prescrit la loi du basket. Mais allez empêcher le « contact » entre deux joueurs sautant tous deux à la rencontre d’un ballon. Et puis, ne pas courir, ne pas marcher avec la balle, facile à dire. Mais si vous tolérez un pas, un pas et demi, de là à deux pas, à deux pas un quart, à trois pas, comme le « départ est malaisé ! »
Je touche un mot à Emmanuel Bove de ce projet de Philippe Soupault qui ne rêve de rien moins que de créer à l’intérieur du P.P.C. une section rugbystique.
-Ah ! J’en serais... Mais quinze pratiquants, hum, qui ne craignent pas les plaquages, qui aient le souffle de courir ou, enfin, de faire semblant de courir deux fois quarante minutes, il ne trouvera pas cela aisément.
Un mot encore ! Bove me dit - et, ici ses yeux s’illuminent -la ferveur, la passion avec lesquelles il n’a jamais cessé de suivre les matches de boxe. Surtout depuis le règne Jeff Dickson.
-C’est admirable, c’est prodigieux, : ce qu’il nous annonce pour cette année. Seulement...
- Seulement ?
- Je n’assiste jamais à ces combats que... de quarante mètres. Ah ! bénéficier un jour, d’une invitation de ring !... »
Transmis à l’empereur de « Manitot » (2)
Marcel Berger
(1) En 1919, quelques hommes jeunes (écrivains, peintres, musiciens) et épris d’art, se réunissaient le dimanche matin au Stade Duvigneau de Lanneau à Paris pour pratiquer l’athlétisme sous la houlette de Marcel Berger qui venait de créer un petit club, le Plume Palette Club, ancêtre de l’Association des Écrivains Sportifs. *
(2) Propriété de M. Boyer, situé à trois kilomètres de Vernon, et pourvu de tout l’aménagement nécessaire à l’entrainement des pugilistes soucieux d’acquérir la grande forme.
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