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Le début d'un roman: de Marcel Proust à Laurent Mauvignier

  • bernardmorlino
  • 22 sept.
  • 3 min de lecture
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Chaque automne, la presse parle beaucoup d'éditions, à l'exemple de la Quinzaine du Blanc ou du Festival de Cannes. C'est une question commerciale. Le reste de l'année, ça suit son cours. Lors de cette rentrée romanesque, la milice littéraire parle beaucoup de La maison vide (Editions de Minuit). Ils ont décidé qu'il devait être l'élu de la rentrée. Chaque fois c'est le même topo. Il y a un consensus autour d'un bouquin. On se demande bien comment cela se décide. Ils se disent cet "auteur-trice" publie depuis un paquet de temps. Il a plein de prix mineurs, il serait temps qu'on lui donne le Ballon d'or des lettres. On ne va pas le rater comme on a raté Céline et tant d'autres.

Par curiosité, j'ai jeté un oeil, c'est une façon d'écrire car mes deux yeux pas question que je les jette. A présent, grâce à internet, on peut lire l'amorce des romans. Pas sur le site de l'éditeur de La maison vide. Ils ont leur tête. Ne répondent pas, bafouant les règles de politesse.

Au éditions de Minuit, à part Beckett, Vercors et Jean Moulin, je n'ai rien. Trop élitiste. S'ils sont au-dessus de la mêlée qu'ils y restent, sans moi.


J'ai trouvé à feuilleter La maison vide.


1ere ligne: "où j'étais".

2e ligne: "où j'étais".

3e ligne: "où j'étais".

6e ligne: "il était".

9e ligne: "j'en étais".

12e ligne: "été".

13e ligne: "été".


Ils ont beau crier au chef d'oeuvre, je n'ai pas pu aller plus loin. C'est comme si dans un paysage vous n'avez plus que des publicités.

On écrit autant avec les yeux qu'avec les oreilles.

Ce début se veut à la manière obsédante de Thomas Bernhard mais il n'y a que la manière.

La critique littéraire actuelle se moque complétement du style: ils ne regardent que la thématique du livre et surtout qui signe l'ouvrage.


Je préfère le début de Du côté de chez Swann:


"Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : «Je m’endors».  Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé."


Il y a plus d'un siècle entre Du côté de chez Swann et La maison vide.

Proust a mis deux fois réflexions, c'est 100 % voulu.

Tous les "étais, était, été" au départ de La maison vide  sont-ils voulus ? Je ne le pense pas.

On ne lit pas un livre pour se retrouver comme en face du JT de 20 h.

Entendre un bruit contre les bruits, disait Henri Michaux.

Dès le seuil de La maison vide j'ai claqué la porte, pour ne pas aller plus loin.

La littérature n'est pas une course à obstacles.

Je lis pour y voir clair, pas pour m'embuer le regard.


On peut prendre aussi l'incipit de Voyage au bout de la nuit, de Céline:


"Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C’était après le déjeuner. Il veut me parler. Je l’écoute. « Restons pas dehors ! qu’il me dit. Rentrons !» Je rentre avec lui. Voilà. « Cette terrasse, qu’il commence, c’est pour les œufs à la coque ! Viens par ici ! » Alors, on remarque encore qu’il n’y avait personne dans les rues, à cause de la chaleur ; pas de voitures, rien."


D'un côté, la langue parlée de Céline, alors que chez Proust tout est intériorisé.

Deux styles. Le style de La maison vide ? Plutôt l'absence de style.

"La forme c'est le fond qui remonte à la surface", précise Victor Hugo.

C'est passer sous silence la musique des mots.


1 commentaire


pierre latiere
pierre latiere
23 sept.

Heminghway :" Un écrivain sans oreille est comme un boxeur sans main gauche"

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