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Les 100 qui restent (Bernard Morlino), par Eric Naulleau dans le JDD (7-1-2024)


Ceux qui partent et ceux qui restent.

POSTÉRITÉ. Tandis que 2024 prend son élan, portons déjà nos regards vers le futur – et pourquoi pas jusqu’à l’année 2100 ? Ce à quoi nous invite Bernard Morlino dans une anthologie d’un genre inédit.

« La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir », disait Pierre Dac. Qui aurait cru en 1914 que Marcel Proust passerait à la postérité et que le fabricant de best-sellers à la chaîne Georges Ohnet s’effacerait des mémoires ? Encore faut-il préciser les critères du pari : « J’ai retenu les auteurs dotés d’un style particulier et d’une vision du monde. Il fallait aussi qu’ils aient apporté de la nouveauté dans le fond et non seulement dans la forme. » Chaque élu fait l’objet d’une fiche de lecture frappée au coin d’un authentique talent littéraire. Ainsi de Louis Calaferte : « Ses Carnets sont d’un Alceste qui ressemble au fils que n’eut pas Léautaud. » Du père de Fermina Márquez : « Valery Larbaud n’a jamais voulu changer le monde. Seul lui importa de laisser un avis de passage. » Ou d’Henri Michaux : « Il n’a jamais attendu de médailles comme les phoques attendent un poisson mort après leur numéro de cirque. » Quelques noms recueilleront certes l’assentiment général : Céline, Proust, Queneau, Colette, Giono, Simenon, etc. Mais comme de juste, plus le choix se révèle contestable, plus le livre devient passionnant. Pourquoi avoir écarté Paul Gadenne (1907-1956), cité dans la préface, auteur de l’une des œuvres les plus admirables du XXe siècle ? Pourquoi avoir retenu Michel Houellebecq, davantage sociologue que romancier et donc soumis plus que d’autres à une date de péremption ? On peut ainsi débattre à l’infini, il n’en demeure pas moins que Les Cent qui restent est un livre qui donne une furieuse envie de lire d’autres livres. Sans parvenir à dissiper une inquiétude liée à l’actuel effondrement du niveau scolaire – d’ici 2100, toute cette bibliothèque ne sera-t-elle pas devenue une langue étrangère pour le plus grand nombre ?

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