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Venise, la Sérénissime fait escale chez Serge Safran.

Venise(s) avec un "s" a écrit Paul Morand qui n'a pas écrit que des crétineries comme dans son Journal Inutile qu'il a voulu posthume. Canaletto, lui, s'est contenté de peindre.

L’ancien petit palais, Casino Venier de Venise, qui est aujourd’hui l’Alliance française fut jadis dirigée par Marie-Christine Jamet, responsable d’un très bel ouvrage illustré sur ce palais qui a séduit d’innombrables artistes de Casanova à nos jours. Sont tombés sous son charme, Musset comme Aznavour, Jean-Jacques Rousseau comme Paul Morand, l’auteur du majestueux Venises, au pluriel comme le livre collectif, aux éditions Serge Safran, qui a fait appel à différents regards.

Parmi les intervenants, on remarque la présence de Michèle Teysseyre (Loin de Venise, Serge Safran éditeur) et de Dominique Paravel (Alice disparue, Serge Safran éditeur). Tous deux ont voulu prolonger le plaisir sur une distance plus longue qu’un article, par le biais du roman. Si elle connait par cœur Venise, Michèle Teysseyre n’en demeure pas moins un visiteuse jamais blasée de la ville dont beaucoup prédisent la mort alors qu’elle tient toujours debout, et qu'elle se redresse même à présent depuis que les bateaux remplis de badauds sont interdits de passage. C’est plutôt Venise qui regardait les touristes que le contraire puisque les gens ne regardent plus le paysage à force de faire des photos avec leur téléphone. La romancière célèbre astucieusement la ville par trois artistes : Casanova - qui est quasiment un homonyme de Venise tant elle lui est associée- la peintre Rosalba Carriera, et Vivaldi. Pour le grand public, la miniaturiste Rosalba Carriera est la moins connue, c’est donc un très bel hommage qui lui ai rendu dans un livre alerte, plein de vie alors qu’on évoque trop souvent la nostalgie à propos de Venise, surtout depuis le livre de Thomas Mann et encore plus le film de Luchino Visconti. Etre au soir de leur vie comme les trois protagonistes n’a rien de triste surtout si l’on laisse son nom et son âme dans des œuvres artistiques immortelles.

Pour prolonger le plaisir, on s’engage dans le roman Alice, disparue (Serge Safran) comme dans les rues sans voiture de Venise, guidé par Dominique Paravel. La narratrice est décidée à jouer les détectives pour retrouver son amie Alice qui s’est volatilisée en 1976 dans les dédales de la Sérénissime. Si vous avez lu L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante le livre de Dominique Paravel est pour vous. On y accompagne une amitié avec aller-retour sur le passé. Il y a de l’émotion qui se partage sinon à quoi bon lire. C’est vivant et pas ressemblant. On avance dans le récit avec celle qui cherche et veut trouver. Elle s’appelle Aude, cela fait penser à Aube : l’âge ne l’a pas faite vieillir. Cela fait penser aussi à Ode, comme à celle consacrée à Alice et à Venise, loin des clichés, loin des selfies. On y entend battre le cœur des héroïnes et le clapotis de l’eau sur les bords de Venise dont la vase est plus un révélateur qu'un fixateur.


-Casino Venier, Venise, Collectif sous la direction de Marie-Christine Jamet. Serge Safran éditeur, 187 p., 22, 90 €

-Alice disparue, Dominique Paravel. Serge Safran éditeur, 224 p., 17, 90 €

-Loin de Venise, Michèle Teysseyre. Serge Safran éditeur, 208 p., 16, 90 €

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